2008-2009 : évolution des risques
La crise redimensionne et remet à jour la notion de gestion des risques. Les paramètres ont grandement et rapidement changé, comme le montre la classification des 10 risques principaux pour 2009 selon l’étude d’Ernst & Young et Oxford Analytica, « The 2009 Ernst & Young business risk report ».
Alors que se préparait une crise économique mondiale majeure, la gestion des risques est devenue en Suisse une nouvelle exigence du Code des obligations (663b). Cette simultanéité ne relève pas du hasard. Le niveau de complexité dans lequel évoluent les entreprises requiert une prise en compte centralisée des risques auxquelles l’entreprise est confrontée à un niveau global.
Face aux difficultés financières actuelles, la nécessité d’implémenter un système de gestion des risques est claire : sans une vision consolidée des périls auxquels l’entreprise est confrontée et sans la mise en place de mesures de réduction, aucune anticipation de crise n’est possible, ce qui représente une menace directe pour la pérennité de l’entreprise. La gestion traditionnellement assurantielle des risques ne suffit plus à gérer des périls dont certains dépassent le cadre des assurances par leurs caractéristiques ou par l’ampleur des pertes qu’ils représentent.
La gestion des risques doit être considérée comme un outil permettant d’atteindre les objectifs de l’entreprise, une vision stratégique garante de sa pérennité. Elle vise à améliorer la visibilité et donc à diminuer le poids de l’incertitude et de la volatilité sur les activités et sur les actifs. Les entreprises ayant intégré cette approche dans leurs pratiques réussiront à capitaliser sur les opportunités et renforceront leurs avantages concurrentiels.
Ce constat est d’autant plus évident que les mutations sont profondes et semblent imprévisibles . Les bouleversements socio-économiques mondiaux accélèrent le rythme d’évolution de la criticité des risques : les risques les plus importants en 2009 ne sont pas les mêmes qu’en 2008. Dans un environnement fortement concurrentiel, les entreprises doivent pouvoir anticiper et s’adapter rapidement à ces évolutions.
Une étude réalisée conjointement par Ernst & Young (ci-après EY) et Oxford Analytica (ci-après OA) auprès d’une centaine d’entreprises privées et publiques dans différents domaines d’activités[1] illustre l’évolution importante des risques majeurs[2] pour les entreprises entre 2008 et 2009 et met en exergue l’importance d’une réévaluation fréquentes des risques d’entreprise.
1. Crise du crédit
Le resserrement du crédit (credit crunch) est devenu la préoccupation n°1 des entreprises pour 2009 dans tous les domaines d’activités interrogés. Classé n°2 en 2008, ce point prend la place de la conformité réglementaire. N° 2 en 2008.
2. Conformité réglementaire
La conformité reste une préoccupation majeure, tout particulièrement pour les entreprises des domaines tels que les sciences de la vie, les télécommunications, les secteurs du pétrole, gaz et de l’électricité.
En outre, l’incertitude quant aux nouvelles réglementations intervenant suite à la crise financière mondiale a renforcé la criticité du risque de conformité dans la gestion d’actifs, la banque et l’assurance. N° 1 en 2008.
3. Récession mondiale
Ce risque apparaît pour la première fois parmi les risques référencés par EY et OA. Ils relèvent que la conjonction entre crise financière, chute de la valeur de l’immobilier, des marchés financiers et diminution des disponibilités de crédits constituent un niveau de risque très important et que cette problématique sera d’autant plus aigüe pour des entreprises qui n’ont pas la possibilité d’équilibrer leurs pertes entre les différents marchés mondiaux.
4. Problématiques environnementales
La criticité des problématiques environnementales croît et influence fortement et de façon spectaculaire des secteurs tels que l’automobile, l’immobilier (construction/rénovation), les secteurs énergétiques (pétrole, gaz, électricité) ainsi que les services publics. Selon EY et OA, la gestion de ces questions constituera à l’avenir un enjeu concurrentiel majeur. En outre, l’évolution des législations dans ce domaine est susceptible d’avoir un impact financier important pour des entreprises dont les pratiques actuelles seraient jugées ultérieurement non conformes. N° 9 en 2008.
5. Concurrence de nouveaux compétiteurs
Cette catégorie inclut les acteurs économiques qui diversifient leurs activités, ainsi que des nouveaux acteurs d’économies émergentes. La conjoncture économique défavorable ainsi que la montée en puissance des économies émergentes augmentent ce risque pour les entreprises établies. En parallèle, il pousse les acteurs en place à innover afin de conserver leur avantage concurrentiel. N° 16 en 2008.
6. Réduction des coûts
Dans une économie mondiale qui ralentit, le contrôle et la réduction des coûts sont plus que jamais cruciaux pour la survie non seulement des entreprises mais de secteurs entiers tels que l’automobile, les médias et les produits de consommation. Tous les acteurs sont impliqués, du producteur au consommateur en passant par le fournisseur. N° 8 en 2008.
7. Gestion des compétences
Si la gestion des compétences constitue une question centrale depuis plusieurs années, la complexification du contexte économique mondial contribue à rendre ce risque plus problématique à gérer. D’une part, le développement des économies émergentes crée un appel d’air important pour les ressources locales travaillant à l’étranger ; deuxièmement, l’intensification des débats sur les échelles et structures de rémunération remet en question les politiques agressives de rémunération. Finalement, l’augmentation des risques de réputation et de responsabilité des dirigeants aura vraisemblablement un impact négatif sur le recrutement de membres des directoires qualifiés. N° 11 en 2008.
8. Fusions-acquisitions et partenariats
Les activités de M&A (fusions et acquisitions) se sont notoirement réduites du fait du durcissement des conditions d’octroi de crédits. Elles restent pourtant des éléments essentiels dans la stratégie des grandes entreprises. Mais il s’agit d’opérations à risque du fait de la complexité et de la criticité de la valorisation d’une entreprise, ainsi que du caractère périlleux de la fusion de cultures d’entreprises différentes. De plus la crise, a entraîné de soudaines et dramatiques fusions «de sauvetage » dont les « due dilligence » (validation des forces et faiblesses – rédaction d’une clause de garantie de passif) n’ont pu être réalisées qu’après les faits. N° 7 en 2008.
9. Obsolescence des modèles d’affaires
Les modèles d’affaires en place depuis de nombreuses décennies sont aujourd’hui sérieusement remis en question par de nouveaux modèles. Dans ce contexte, la capacité d’adaptation de l’entreprise est une aptitude garante de sa pérennité. Nouveau risque 2009.
10. Risque de réputation
Placé lors de l’étude 2008 au 22e rang, le risque de réputation a bondi en 2009 au 10e rang. La crise et plus particulièrement le resserrement du crédit a fait de la santé financière des entreprise un enjeu de réputation central. De plus, la réputation de l’entreprise est également susceptible d’influencer son attractivité pour le recrutement de talents. N° 22 en 2008.
11. Changements de comportement des consommateurs
12. Marchés émergeants : différences culturelles, économiques et politiques complexes à prévoir et à maîtriser
13. Mondialisation de l’entreprise : risque lié au risque des marchés émergeants, le développement des activités de l’entreprise sur plusieurs marchés permet une diversification des risques qui devient essentielle pour la pérennité de l’entreprise mais qui implique également de nouveaux périls.
14. Nouvelles technologies: lacunes dans les activités de recherche et de développement
15. Politique d’investissements
16. Perte de compétences clés
17. Augmentation des prix de l’énergie
18. Incapacité à innover: culture d’entreprise qui ne parvient pas à favoriser les innovations
19. Risques liés aux droits de propriété intellectuelle
20. Carences dans les infrastructures
21. Changements démographiques
22. Entrée de nouveaux actionnaires dans le capital
23. Modélisations de risques inadéquates
24. Chaîne d’approvisionnements et dépendances amont-aval (supply chain and extraprise)
25. Nouveaux modèles d’affaires
Les 25 risques listés dans l’étude d’EY et OA sont essentiellement des risques stratégiques et financiers que les dirigeants de l’entreprise doivent prendre en compte dans les processus décisionnels. En aval de ces risques, les opérationnels de l’entreprise sont confrontés à des problématiques concrètes qui requièrent des mesures de traitement des risques au quotidien. Le monitoring des risques de l’entreprise doit s’effectuer à tous les niveaux de l’entreprise via des approches top-down et bottom-up, les propriétaires des différents risques de l’entreprise étant répartis sur toute la chaîne de valeurs. Seule une approche consolidée des risques permet d’opérer un arbitrage pertinent sur les priorités de traitement des risques à un niveau global, tout en conservant le niveau de détail nécessaire à la gestion des risques opérationnels de l’entreprise.
Sources : Ernst & Young (le listing des risques et leur définition proviennent d’une traduction libre de l’étude « The 2009 Ernst & Young business risk report, The top 10 risks for global business »)
business_risk_report.pdf
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[1] Secteurs d’activités : gestion de fortune, industrie automobile, télécommunications, secteur bancaire, industries du pétrole, du gaz et de l’électricité, secteurs des assurances, services, immobilier et médias.
[2] Sont identifiés comme risques majeurs ceux qui sont cités le plus fréquemment par les sociétés ayant participé à l’étude d’EY et OA.